The Case For Christ (« Jésus l’Enquête ») ou Le Cas des « films chrétiens » [par Jeremie]

The Case For Christ (« Jésus l’Enquête ») ou Le Cas des « films chrétiens » [par Jeremie]

La sortie de ce film me permet d’aborder et de partager rapidement un avis sur les « productions chrétiennes ».

Hier c’était mon anniversaire (étant né un 29 février, il y a plusieurs écoles entre le fêter le 28 ou le 1er mars). Et la journée avait bien commencée car lorsque mes enfants ont ouvert leurs volets, notre jardin était recouvert d’une bonne quinzaine de centimètres de neige. Quand on sait que cela fait des années qu’il n’a pas neigé chez nous (Pau – Sud Ouest de la France) et étant un grand amoureux de la neige, j’ai pris cela comme un cadeau personnel de Dieu. Ok vous n’êtes pas obligés d’être d’accord avec cette idée…

En étant parents de 3 petits garçons c’est toute une organisation d’aller au cinéma et Manue avait organisé, pour le soir, un gardiennage (merci beau-papa et belle-maman) pour une soirée surprise au cinéma. Trop génial.

« Bon on va voir Jésus : l’enquête. » me dit Manue.

Je connaissais ce film. Même si la traduction du titre en français est au mieux à la limite du ridicule, même s’il est produit par une société revendiquée « chrétienne » qui n’a pas que de belles cartouches à son fusil (non je ne citerai pas de noms), la démarche me semblait intéressante et le fait d’aller voir ce film en salle et de fait, de le « soutenir », me paraissait être une bonne chose. Pourtant j’avoue que je ne m’attendais pas à grand chose. Euphémisme.

Faut comprendre. Depuis plusieurs années, on voit fleurir tout un lot de films US orientés pour le « marché chrétien ». Il y a deux sortes de productions : celle assumée par des majors (des grosses sociétés de production) dont Exodus, Noé ou même La Passion du Christ font partie et les productions plus modeste produites par de plus petits studios mais réalisées par des croyants engagés.

La société de production Pure Flix qui produit ici le film est dans ce second cas. C’est un exemple d’une démarche chrétienne dans des films souvent orientés uniquement (et malheureusement) pour des chrétiens. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le résultat cinématographique laisse parfois à désirer. Je me souviens il y a quelques temps en avoir débattu avec le pasteur Mark Lecompte qui était de passage en France. Le problème c’est l’ambition artistique. Souvent les films chrétiens se concentrent uniquement sur le message en oubliant considérablement (dramatiquement) l’ambition artistique. Ce qui au final donne des films au mieux édifiants pour un chrétien mais embarrassants à montrer à notre entourage. Il y a aussi le cas de films produits par des majors à grand renfort de budget et d’effets spéciaux, qui ont la bonne idée de vouloir mettre en scène tel ou tel événement de la Bible, mais accompagnée parfois de la mauvaise idée de l’adapter à leur sauce. Je n’ai par exemple pas été surpris par les critiques dans le cas du film Noé parce que j’avais lu quelques temps auparavant le comics dont le film est issu (comics également écrit par le réalisateur du film). Je savais donc à quoi m’attendre en terme de n’importe quoi. Je suis toutefois assez revendicatif quant à la communication trompeuse qui a précédé le film. En effet les égarements très personnels du réalisateur étaient complètement absents de la communication en amont. Si bien qu’en découvrant la bande annonce du film je m’étais dit que finalement, le réalisateur avait décidé (peut être sous la pression du studio) de se rapprocher du texte biblique, plus que de son comics. Ben non… La stratégie commerciale autour  du film a été basée sur le fait d’attirer des chrétiens avec une communication « biblico-compatible » tout en surfant par la suite sur la polémique inévitable que le film engendrerait. Du coup beaucoup de chrétiens s’y sont précipités (à raison, car la communication leur était destinée), et ils ont été très déçus. Mais quand je dis « très déçus » je veux dire que certaines séquences du film ont provoqué différents type de symptômes allant de « I’apparition d’urticaire » en passant par la « crise de foie » (avec un « e ») jusqu’à provoquer (dans mon cas)  » un arrêt spontané de l’hémisphère encéphalique droit engendrant un clignotement de la paupière supérieure gauche à une fréquence inversement proportionnelle au nombre de PopCorn restant dans le sceau du voisin de siège bruyant ».

Bien heureusement il y a eu d’autres films, donc d’autres approches et par exemple (on reste amis hein ?) La Passion du Christ qui, pour moi, reste un chef d’oeuvre en terme de message, d’implication et d’achèvement cinématographique. Parce que Mel Gibson c’est un fichu bon réalisateur. Les critiques virulentes dont ce film a fait l’objet sont du fait au mieux d’une ignorance historique ou d’une méconnaissance des textes bibliques, au pire d’une mauvaise foi (sans « e ») caractérisée. Je me souviens avoir même écrit une longue lettre au magazine Première à la suite de leur critique du film, critique d’une bêtise abyssale et d’une ignorance manifeste des textes bibliques.

Mais dans le cas qui nous concerne, je ne saurais que trop vous recommander d’aller voir « Jésus : l’Enquête ».

Le premier aspect qui m’a touché dans ce film a été son histoire et son message. L’aspect « histoire vraie » (même si on la sait romancée pour les besoins du film) joue aussi un rôle prépondérant dans tout cela bien entendu. J’ai vraiment aimé la profondeur d’un scénario sur un thème pas vraiment évident. C’est vrai quand on y réfléchit, ce n’est pas vraiment facile de mettre en scène un conflit lié à la foi au sein d’un couple, sans tomber dans la guimauve et les facilités (quand je dis ça je pense à un film « chrétien » assez récent sur ce thème…oui oui vous pensez au même). J’ai aimé ressentir l’impasse complète dans laquelle se trouve cette femme engagée dans sa foi, face à un mari non seulement sceptique, mais farouchement opposé. Je pense que tout chrétien dans cette situation se retrouvera dans ses moments de désespoir, de solitude, de doutes. Quel encouragement ce film peut alors devenir. Pourtant d’autre part, nous nous sentons aussi concernés par le scepticisme du mari. Il est lui-même traversé par une incompréhension et des doutes légitimes pour un incroyant découvrant la foi subite d’un proche.  « Bêtise », « endoctrinement », « aveuglement », ce sentiment de vivre comme une infidélité de son épouse avec « sa foi ». « Je n’ai pas signé pour ça, la femme que j’ai épousée me manque » lui lance t-il dans un moment de dispute. Ce sont autant de questions valables et profondes qui trouveront un écho chez n’importe quelle personne athée ou agnostique qui verra le film, rendant le cheminement spirituel du mari profond et crédible. Ce que j’ai aimé c’est que le scénariste Brian Bird ne souhaite pas éviter ces questions. Bien au contraire, il s’y engouffre avec talent. J’aime cette honnêteté dans une écriture actuelle, consciente de vivre dans une société qui se pose ces mêmes questions (malgré les presque 40 ans qui nous séparent de cette histoire). J’ai aimé la réalité de ce conflit dans un couple, reflet d’un conflit de société bien plus large (science, faits historiques et foi que les médias ont conventionnellement tendance à opposer). Et tout cela à la différence d’autres productions dont les auteurs semblent vivre au pays des bisounours de club du dimanche (excusez l’association de mots, j’ai pas trouvé mieux…). Mais s’il est vrai que ce film m’a d’abord touché parce que j’avais sans cesse en tête une forme de comparaison avec ces autres films estampillés « chrétiens », ce film a toutefois une grande valeur en lui-même.

Non seulement parce que le message est percutant, encourageant, mais aussi parce que l’ambition cinématographique est criante dès les première images du générique. Jon Gunn le réalisateur aime le cinéma et ça se voit. Citant De Palma, s’inspirant de Fincher (Zodiac, pour les séquences au sous sol par exemple) ou de Curtis Hanson, parfois avec quelques maladresses (le côté parfois too much de la reconstitution des 80’s) mais toujours avec le cœur pour apporter son message au travers d’une oeuvre vraiment complète. Je pense à cet enchainement de plan avec la femme allongée dans sa chambre, un bras tendu vers la moitié vide du lit enchaîné avec un plan du mari isolé dormant seul sur le canapé. Un plan d’opposition riche, révélateur et lourd de sens pour chacun des personnages. Même la photo (lumière/éclairage/cadre) de Brian Shanley est brillante. Quand on sait justement que la photo est habituellement le parent pauvre dans ce type de production… Et si on a la chance de le voir en VO, on peut également apprécier le jeu des comédiens franchement à l’aise dans leurs rôles et franchement pas mauvais du tout. Le fait d’y croiser Faye Dunaway ou Robert Foster est aussi un témoignage de l’ambition du réalisateur.

Il y aura toujours des gens foncièrement opposé au message véhiculé par l’oeuvre, et c’est normal pour toute œuvre artistique, chrétienne ou pas. Ils trouveront le film ridicule, mais ils ne pourront s’appuyer que sur leur subjectivité car objectivement, les qualités de l’oeuvre sont là.

Alors on n’a certes pas affaire à un film parfait ou à un chef d’oeuvre marquant dans l’histoire du cinéma (je l’espère toutefois marquant dans la vie de beaucoup), mais s’il vous plaît, allez le voir juste parce que c’est tellement rare d’avoir un film « chrétien » d’une telle qualité, d’une telle ambition et qui ne fait pourtant aucun compromis sur son message. En plus, soutenir ce film en allant le voir en salle c’est aussi un message pour la profession : des films comme ça, on en veut d’autres. Beaucoup d’autres !

#ivlogheroic

 

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